Zoo galerie présente
De l’Interprétation
une exposition collective avec
Omer Fast, John Menick, Pascal Poulain, Sean Snyder, Rirkrit Tiravanija
Du 30 mai au 11 juillet 2009
Commissariat : Aude Launay
(Please scroll down for English text)
Et s’il existait pour de vrai, le fameux CFR, ce Consortium de Falsification de la Réalité dont les activités nous sont narrées dans les deux derniers romans d’Antoine Bello (1)? S’ils étaient parmi nous, ces agents au service d’une réalité plus vraie que nature parce que trafiquée, perturbée par des inserts discrets mais assez efficaces pour en influer le cours? Nous sommes au cœur d’une culture de l’image, mais d’une image tronquée, truquée; notre société tente depuis le Veau d’Or de nous faire prendre les images qu’elle nous inflige pour des réalités autres que ce qu’elles sont pourtant simplement: des relations, et non des entités (2). Ce double postulat peut se résoudre en une question: qui sont les falsificateurs, aujourd’hui? Les médias sont toujours une cible privilégiée, mais l’on oublie encore trop souvent qu’ainsi que leur nom l’indique, ils ne sont eux aussi qu’une forme de relation, entre un pouvoir, quel qu’il soit, et un public.
Suivant la ligne trouble qui sépare le fait de la fiction, De l’Interprétation , empruntant son titre à Aristote, qui dans son texte éponyme, élabora cette distinction ô combien précieuse entre signification et valeur de vérité, s’attache à réinjecter de la subjectivité dans l’information, à l’image des Demonstration Drawings de Rirkrit Tiravanija ou du CNN Concatenated d’Omer Fast. Les Demonstration Drawings, série de dessins commandée par Tiravanija à des artistes thaï d’après des photos de manifestations publiées par le Herald Tribune, se jouent en effet, par leur trait imparfait, des conventions du journalisme et narguent son autorité en soulevant une question épineuse: qui est le plus à même de rapporter la vérité d’un événement, un reporter et ses concepts globalisés à l’emporte-pièce, ou la sensibilité personnelle d’un inconnu? Du monologue reconstitué par Omer Fast sous la forme d’un cut-up frénétique d’extraits de JT diffusés sur CNN en 2001, émerge l’expression d’une pensée commune post-11/09, celle d’un « je » multiple qui ose douter, révélant au passage les nombreuses adresses directes au spectateur généralement enfouies sous la masse d’informations déversées lors des journaux télévisés.
L’information devient une rumeur diffuse, un ouï-dire, se dissolvant dans une répétition rassurante jusqu’à l’acceptation inconditionnelle. John Menick en a fait un diaporama saisissant (Hearsay), compilant une série de petites phrases qu’il avait déjà entendues ou répétées, et dont aucune n’a pour l’instant été vérifiée ou infirmée. Toutes sont donc plausibles.
Comment notre subjectivité a-t-elle été colonisée? Révélant l’instrumentalisation à l’œuvre derrière la guerre des images qui fait rage depuis le 11/09 et le scandale d’Abou Ghraib, les films de Sean Snyder décontextualisent des images de provenances diverses (officielles, médiatiques ou amateurs) et décryptent les modifications opérées par le développement exponentiel des technologies de communication et les intérêts économiques en jeu dans les zones de conflits. Transformant le spectateur que nous sommes en témoin d’une fiction médiatique grandissante.
1 Antoine Bello, Les Falsificateurs, (2007) et sa suite Les Eclaireurs, (2009) Gallimard.
2 À ce sujet, lire W.J.T. Mitchell, Iconologie, Image, Texte, Idéologie, Les Prairies Ordinaires, 2009.
Cette exposition a reçu le soutien de l’ERBA Rennes. Omer Fast est représenté en France par la galerie gb agency, Paris, Sean Snyder et Rirkrit Tiravanija par la galerie Chantal Crousel, Paris. + d’infos sur John Menick: www.johnmenick.com, et sur Pascal Poulain: http://poulain.net.free.fr/
Télécharger le dossier de presse ici: delinterpretation.pdf
De l’Interprétation
A group exhibition with Omer Fast, John Menick, Pascal Poulain, Sean Snyder, Rirkrit Tiravanija
May 30 to July 11, 2009
And what if the famous CFR really existed, the Consortium for the Falsification of Reality whose activities are narrated in Antoine Bello’s last two novels (1)? What if they were living among us, these agents of a reality that is truer than nature because it has been tampered with, disrupted through discrete modifications nonetheless powerful enough to influence it course? We live at the heart of a culture of the image, but of an image that has been truncated, rigged; ever since the Golden Calf, our society has been trying to make us interpret the images it presents us as realities other than what they quite simply are: relationships, and not entities (2). This double postulate boils down to a single question: who are these falsifiers today? The media is always the first thing that comes to mind, but we forget all too often that–as its name suggests–the media is itself only a kind of relation: between a power, whatever it may be, and a public.Tracing the fine line that separates fact from fiction, De l’Interprétation borrows its title from Aristotle, who, in his eponymous text, elaborates this incalculably valuable distinction between signification and truth value. The exhibition aims to re-inject subjectivity into information, in the image of Rirkrit Tiravanija’s Demonstration Drawings, or Omer Fast’s CNN Concatenated. A series of drawings inspired by demonstration photos in the Herald Tribune, commissioned by Tiravanija from a group of Thai artists, the Demonstration Drawings play with the conventions of journalism through their imperfect rendering and mock their authority by raising a thorny question: who is more likely to bring us the true story behind an event, a reporter with his trenchant globalised convictions, or an anonymous stranger and his personal sensibility? Out of a monologue reconstituted by Omer Fast, a frenetic cut-up of 2001 CNN news features, emerges the expression of a post 9/11 collective consciousness: that of a multiple “I” who dares to doubt, reflecting the numerous direct addresses to the spectator buried within the mass of information that bombards us on the nightly news. Information becomes a scattered rumor, mere hearsay, dissolving into a reassuring repetition until unconditional acceptance is complete.
With Hearsay, John Menick makes a breathtaking slide show out of it, compiling a series of short phrases that he had already heard or repeated, none of which have ever been verified or refuted. All of them, therefore, are plausible. How did our subjectivity become colonised? Pointing to the exploitation at work behind the image-war that has been raging since 9/11 and the Abou Ghraib scandal, Sean Snyder’s films decontextualize images of diverse provenance (official, media-related, or amateur) and decode the modifications imposed upon them by the exponential proliferation of communication technologies and the economic stakes underlying zones of conflict. Transforming the spectators that we are into witnesses of a growing media fiction.
(1) Antoine Bello, Les Falsificateurs, 2007, and its sequel, Les Eclaireurs, 2009, Gallimard.
(2) See W.J.T. Mitchell, Iconology: Image, Texte, Ideology, University of Chicago Press, 2009.
Omer Fast is represented in France by gb agency, Paris, Sean Snyder and Rirkrit Tiravanija ae represented by Chantal Crousel, Paris. More infos about John Menick’s works: www.johnmenick.com and about Pascal Poulain: http://poulain.net.free.fr/