Les nourritures criées, l’exposition
Isabelle Arthuis, Marc Brétillot, Marie José Burki, Claude Closky, Shqipe Gashi, Hoplastudio, Olivier Leroi, Natacha Lesueur, Cécile Le Talec, Philippe Mayaux,Valérie Mréjen, Yoko Ono, Thomas Schmahl & Aziyadé Baudouin-Talec, Michaël Snow, Pierrick Sorin, Patrick Tosani, Camille Tsvetoukhine
Commissariat : Aziyadé Baudouin-Talec
Exposition du 03 au 29 octobre
Hors les murs //
Atelier Alain Le Bras – Nantes (44)
Les nourritures criées est un cycle de soirées de lectures-actions2 au cours desquelles écrivains et artistes activent des textes liés à un goût particulier et proposent une dégustation au public. Ce cycle est inspiré d’un passage de La Prisonnière de Marcel Proust dans lequel Albertine déclare en écoutant les maraîchers proposer leur marchandise en chantant :
— C’est dit, je pars, mais je ne veux plus jamais pour nos dîners que des choses dont nous aurons entendu le cri. (…) Ce que j’aime dans ces nourritures criées, c’est qu’une chose entendue comme une rhapsodie change de nature à table et s’adresse à mon palais. 3
Les nourritures criées, l’exposition prolonge cette réflexion sur les rapports entre littérature, nourriture et art contemporain.
Comment les artistes traduisent selon leur médium de prédilection ce rapport à la nourriture dans leurs œuvres ?
Cette exposition réunit une vingtaine d’artistes français, suisse, canadien, albanais, de différentes générations. Parmi les œuvres exposées, la plupart sont des œuvres historiques, comme celles de Yoko Ono ou de Michaël Snow, les autres ont été spécialement produites pour l’exposition, celles de Marc Brétillot, designer culinaire, de Cécile Le Talec ou encore de Pierrick Sorin qui fait son grand retour avec une installation vidéo 3D inédite.
Pour toutes ces œuvres la question de la nourriture est centrale. Qu’elle soit filmique, photographique, sculpturale ou performative, chacune de ces œuvres envisage une manière différente de penser le rapport de l’art à la nourriture.
Les bouchées doubles
La présence concrète de la nourriture se manifeste au travers de l’oeuvre de Yoko Ono, Kitchen piece (1960) dans laquelle les restes d’un repas sont projetés sur une toile vierge pour former une peinture « culinaire » : elle fait écho à l’installation de Michaël Snow, Serve, Deserve, (2009), vidéo d’un repas « doublement » projeté. Invité à faire une exposition en Pays Fort dans une grange pyramidale en 2019, Olivier Leroi a « transformé la grange non pas en palais mais par le palais » en proposant des fromages aux formes architecturales qui seront proposés à l’achat et à la dégustation pendant l’exposition. La présence abstraite de la nourriture, au travers des quatre photographies de Patrick Tosani, Bouchées, convoque la matière saisie dans un processus de consommation et vient troubler la perception habituelle de la nourriture. Photographie encore avec la série Aspics (1998) de Natacha Lesueur dans laquelle l’artiste recouvre des crânes d’hommes et de femmes d’aliments divers et colorés. La nourriture devient motif, spirale, cercle, couleurs, un véritable vitrail. Cécile Le Talec crée une vague salée, E la nave va… (2020), qui vient dessiner en suspension jusqu’au sol les fréquences du son de la mer et relier poétiquement ces trois éléments. Sculpture à lécher, objet insaisissable, les Notes en Hautes altitudes (2020) de Shqipe Gashi forment une paroi discrète faite de rubans métalliques et de fleurs caramélisées : attention aux fleurs sirupeuses, qui s’y touche s’y colle. Marc Brétillot, inventeur du design culinaire, présente sa Vanité à la mimolette cironnée (2020), objet obscur, de texture et d’odeur inhabituelle… Le duo Hoplastudio, constitué de Magali Wehrung et Agathe Bouvachon, a conçu spécialement pour l’exposition un service en céramique, Service familier (2020), qui évoque avec malice La Recherche du temps perdu de Marcel Proust.
À table !
Dans le film de Marie José Burki, What could Saint Francis have been saying to the birds (1999), le moment du repas, peuplé de corps en mouvement, agité de rires qui se mêlent aux dialogues superposés, apparait au travers d’une intensité troublante. Ce moment fort qui correspond à la réunion des convives et de tout ce qui entoure la symbolique du repas est à nouveau convoqué dans la grande sérigraphie d’Isabelle Arthuis Le banquet, véritable cri dans l’air iodé de la plage, saisie ultime de l’ambiance de fête avant que les flots ne viennent engloutir les restes du déjeuner. Le film de Thomas Schmahl et d’Aziyadé Baudouin-Talec, Meal (2020) réunit artistes, écrivains et acteurs de diverses origines autour d’un déjeuner dont ils sont les auteurs et cuisiniers : les gestes et les regards se superposent aux goûts et aux sons comme une symphonie en mouvement, la parole se fait écriture.
Inclassable, le Savoureux de toi (2007) incarne l’éloge de l’amour fou et prépare à l’originelle fusion des sexes. L’œuvre de Philippe Mayaux invite le spectateur à se rapprocher afin de contempler sa préciosité et son double sens, objet de désir et d’étonnement.
Pince sans rire
Le titre des deux hamburgers en céramique de Camille Tsvetoukhine (2013), Famille des gras nous rappelle ironiquement ce que nous risquons à nous alimenter de nourritures infâmes, elle en fait des petits pots de fleurs pour ses cactus. Quatre dessins au titre aussi évocateur, Archéologie d’une alimentation modifiée, poursuivent dans le même registre grinçant. Valérie Mréjen met en scène une jeune femme qui attend ses amis pour prendre une collation chez elle (Le goûter, 2000). Va-t-elle éblouir ses convives par la splendeur de ses mets sucrés ? Suspense intenable. Claude Closky aime la répétition : dans la vidéo 200 bouches à nourrir (1994) une quantité impressionnante de barres chocolatées et autres friandises sont ingurgités dans autant de spots publicitaires… jusqu’à l’écœurement.
Enfin, Pierrick Sorin a créé spécialement pour l’exposition une installation vidéo 3D intitulée Pour raison sanitaire, une vitre vous sépare de l’artiste. Il faudra chausser des lunettes 3D, s’approcher délicatement en face de l’obturation faite à bonne hauteur et prêter l’oreille pour entendre la nourriture crier…
1 Atelier Le Bras, 10 Rue Malherbe, 44000 Nantes
2 Le cycle Les nourritures criées a eu lieu en 2019 au CAC La Traverse à Alfortville, à Zoo Galerie à Nantes en partenariat avec le Maison de la poésie de Nantes, à La Criée à Rennes, sur la Plage des Dames à Douarnenez, et au Château d’Oiron en octobre 2020.
3 Marcel Proust, La Prisonnière. Editions Folio Classique, p. 107-120
Plus d’informations
Communiqué de presse et liste des oeuvres exposées
Feuille de salle de l’exposition
Soirée d’ouverture, « Les nourritures criées, l’exposition », samedi 03 octobre 2020, Atelier Alain Le Bras, Nantes
• Conférence-performance de Térésa Faucon • Réactivation de l’action de Yoko Ono, « Kitchen Piece », 1960 • Performance/Action de HOPLASTUDIO (Magali Wehrung et Agathe Bouvachon)
Photo : Philippe Piron
Vues de l’ exposition – Photo : Philippe Piron
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