ICE HAVEN
Une exposition de
Bettina Samson*
à Zoo Galerie
du 7 décembre au 14 janvier 2007
* en collaboration avec Julien Tibéri.
Avec la scientificité pour horizon fantasmatique, Bettina Samson nous entraîne chaque fois à la dérive dans des installations scrupuleusement mises en scène pour jouer de l’hétérogénéité et du dissemblable. Ne jamais trop en donner pour ne pas prendre les devants sur l’expérience du spectateur, mais le livrer, erratique, aux affres du face à face avec l’œuvre, avec soi. La jeune artiste brouille les pistes d’atterrissage de nos interrogations, et lorsqu’elle concède quelques indices dans ses pièces, ils sont troubles, transversaux.
Quatrième exposition personnelle de Bettina Samson après Le Pavillon de Complaisance à Aix-en –Provence, Mon Oncle-BT11 à Marseille et Electrolux à Berlin, Ice Haven pourrait être conçue comme un parcours sans solution. L’exposition, conséquence de l’articulation d’hypothèses hypertrophiées, se déploie dans l’espace comme le décalque d’un récit possible dans le temps de circulation entre les œuvres qui la composent.
Elargissant la notion d’in situ à l’échelle du contexte historique du lieu d’exposition, Bettina Samson fouille les archaïsmes et dérouille les anachronismes pour proposer ici et maintenant des objets au passéisme si incongru qu’ils pourraient presque provenir du futur. Comme un scénario sans histoire, Ice Haven mêle productions et pièces plus anciennes dans un récit où s’entrechoquent les possibles et où chaque œuvre produit des interférences avec les autres.
Ice Haven se compose de cinq pièces dans lesquelles la sculpture flirte avec le dessin jusqu’à en faire du cinéma, cinq pièces dans lesquelles la modernité devient le théâtre d’un aujourd’hui en forme de road-movie.
Dès l’abord, c’est Le Cauchemar de Constant (2006), machine fantomatique et délicieusement cryptique, qui nous laisse pantois. Cette grande sculpture tubulaire au scintillement noir et rugueux, dessine des plans incurvés virtuels et nous contraint à la contourner pour mieux pouvoir l’appréhender. C’est alors qu’ X-Ray 3 echo (2006) se manifeste par l’émission d’un son radio ambigu, codé, résultant de l’espionnage de conversations entre des pilotes et la tour de contrôle de l’aéroport de Nantes, avant de se matérialiser par une lumière ressemblant étrangement à une projection Super8. Un film est sur le point d’apparaître, mais on ne le voit pas, il est balbutiant, tremblotant, nous tenant en attente… de ce qui nous est juste déjà donné. Tandis que La Grille (2005) qui reprend les paradigmes modernistes de la peinture dans une forme sculpturale évidée et clinquante, réfléchit la lumière comme le ferait une glissière de sécurité éclairée plein phares.
Tracer la route et emporter avec soi un morceau du paysage, tel pourrait être le passé rêvé de cette mobylette, MotoCross CrossCountry (2005), qui dans ses accélérations aurait capturé des particules de végétal en suspension. Paradoxalement, l’inadéquation ente l’aspect jouet et l’échelle 1 de la mobylette entretient un mystère diffus. L’impression d’un passé résurgent dans un temps ralenti, presque arrêté, se confirme et s’infirme dans l’épilogue d’ Ice Haven, Not as cold as it sounds, répétition sérielle d’une image peinte à même le mur par Julien Tibéri, ralenti accéléré qui tient le rythme de l’exposition comme on retient son souffle…‘til THE END.
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