Pionnières
Exposition inaugurale dans le nouvel espace d’exposition de Zoo galerie
Exposition du 05 mars au 07 mai 2022
12 rue Lamoricière, 44100 Nantes
REVUE DE PRESSE
L’exposition inaugurale Pionnières, proposée par Zoo galerie dans son nouvel espace au 12 rue Lamoricière, rassemble des figures essentielles de la deuxième moitié du XXe siècle jusqu’à nos jours. Dédiée à des femmes artistes, cette exposition s’inscrit dans le concert de réhabilitation de leur apport dans la création contemporaine, porté ces dernières années par des institutions prestigieuses et des centres d’art en France et à l’étranger dont Zoo galerie (qui dès ses débuts a proposé des expositions personnelles à des artistes femmes, de Delphine Coindet à Tiphaine Calmettes, d’Émilie Pitoiset à Camille Tsvétoukhine, de Laetitia Badaut-Haussmann à Lily Renaud-Dewar).
Partant de la figure iconique de l’artiste nantaise Claude Cahun —et de sa compagne Marcel Moore—, une dizaine d’artistes sont ainsi invitées, contribuant à dessiner un chemin de traverse fait d’affinités et d’admiration. Claude Cahun, artiste majeure des avant-gardes des années 20, née à Nantes et dont nous révélerons des photographies totalement inédites, a affirmé très tôt une radicalité intellectuelle et artistique et une totale liberté de mœurs à travers ses autoportraits, performances et publications. Marquant toute une lignée de contemporaines, elle mérite toute sa place comme figure tutélaire de ce paysage artistique.
La présence de Tania Mouraud au sein de cette « consœurie » nous semblait particulièrement évidente. L’artiste est connue pour s’être débarrassée violemment de son passé pictural en un autodafé qui a marqué ses proches, pour se jeter pleinement dans l’aventure de l’art conceptuel qu’elle a profondément marqué. La figure d’ORLAN était incontournable dans cette réunion de « précurssœurs : les pressions sociales, politiques et religieuses qui s’impriment sur le corps de la femme ont vigoureusement été remises en question par l’artiste tout au long d’une carrière qui n’a cessé d’interroger les raisons de cette secondarisation.
Le travail d’Anita Molinero, qui a fait de ces indispensables objets urbains, les poubelles, la matière première de ses concrétions plastiques se situe désormais au cœur d’un débat sociétal et existentiel, celui de la prolifération de nos déchets qui menace, à travers ce qu’ils charrient, rien moins que le devenir du vivant sur notre planète. En moderne sorcière, Anita Molinero transcende nos effrois millénaristes pour créer des formes « plastiques » parfaitement jubilatoires.
À ces grandes aînées qui continuent d’inspirer la scène contemporaine, nous avons souhaité associer le travail d’une jeune génération qui, à nos yeux, prolonge et réactive avec entrain et pertinence cet esprit de rupture, avec des questionnements très actuels.
Le travail de Nora Turato est essentiellement tourné vers le langage, ou plutôt la langue qui circule sur les réseaux sociaux et plus largement dans l’infosphère. Nora Turato renouvelle profondément un art du cut-up, souhaitant rendre compte du brouhaha fondamental de l’espèce humaine.
Tiphaine Calmettes s’intéresse aux plantes rudérales, aux menhirs anthropomorphiques, au béton végétal, aux mères de kombucha… Son travail est profondément inscrit dans une époque qui cherche autant qu’il peut à préserver le vivant par des actions non autoritaires.
Laura Gozlan a créé le personnage de Mum qui apparaît dans ses vidéos comme l’avatar non binaire de sa créatrice. Son personnage à l’allure repoussante est un “anti sex-symbol”, véritable cauchemar d’un patriarcat biberonné à l’image de la femme fatale. Ses vidéos décrivent l’inéluctable dégradation physique et mentale de cette sorcière des temps postmodernes.
Les bouquets que Kapwani Kiwanga met ainsi en scène sont tous reliés à des événements historiques marquants de l’histoire coloniale récente. À l’instar de l’interprétation fluctuante des événements historiques et de leur survivance dans la mémoire collective, la composition du bouquet est laissée à l’appréciation du commissaire, elle renvoie à l’invisibilisation d’une histoire « parallèle » et à la façon dont est construite cette dernière.
Eden Tinto Collins est une pionnière des réseaux, une rebelle tiers-mondiste qui affiche sa “blackness” sans sourciller, mais sans trop vouloir prendre une hypothétique revanche, consciente des montagnes à gravir pour accéder à une mythique décolonisation de la société occidentale. Le travail de ces jeunes artistes a pris d’autres directions formelles, s’emparant de nouveaux enjeux, tenant compte de nouvelles difficultés, peut-être plus enfouies, pour faire valoir leur pratique, utilisant des outils technologiques qui étaient inexistants il y a ne serait-ce qu’une vingtaine d’années.
Avec Pionnières, dans la continuité d’une politique de soutien à la création des femmes artistes, nous avons souhaité mettre en lumière l’apport souvent marqué par la radicalité, la contestation de tout ordre artistique établi et la dénonciation des formes de domination issues d’un ordre patriarcal, lequel au sein du milieu de l’art comme ailleurs, continue à avancer, plus ou moins masqué.
En écho à cette exposition, Zoo galerie publiera un entretien réalisé par Carole Douillard, artiste performeuse vivant à Nantes, avec deux artistes américaines pionnières s’il en est : Barbara T. Smith et Susan Lacy qui ont participé en leur temps à la grande aventure de la naissance de la performance. L’ouverture de ce nouveau lieu permettra en outre à Zoo galerie de développer ses activités, en particulier l’ouverture d’une micro-librairie qui proposera une sélection d’ouvrages de référence dans les champs de l’art contemporain, l’esthétique, la poésie, les nouvelles écritures et de valoriser sa propre ligne éditoriale et la revue 02, éditée par Zoo galerie, qui fêtera ses 25 ans d’existence et son 100e numéro.
Patrice Joly, commissaire de l’exposition
Directeur de Zoo galerie, fondateur et rédacteur-en-chef de la revue 02
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