Reliefs
Armand Morin
Exposition personnelle
16 juin – 28 août 2022
Musique de Will Guthrie
Dossier de presse
Dossier d’accompagnement
Commissariat par Patrice Joly
Directeur artistique de Zoo galerie et rédacteur en chef de la revue 02
Pour sa première exposition personnelle dans le nouvel espace de Zoo Galerie, Armand Morin a conçu un environnement qui prendra la totalité du centre d’art dans ses filets, faits de bâches en plastique. Le résident bruxellois, ancien diplômé de l’école des beaux-arts de Nantes, lauréat du prix de la Ville en 2008 et formé à la réalisation filmique au Fresnoy, fait déborder le contenu de son nouveau film (Reliefs) dans le lieu-même qu’il investit, en y implémentant des éléments de décor. Il n’est pas question de noircir les murs de la galerie de ce charbon qu’il est allé filmer dans les mines à ciel ouvert de l’est de l’Allemagne, ni de transformer le centre d’art en une de ces serres hydroponiques qui recouvrent, sur des dizaines de kilomètres carrés, le sol du sud espagnol – qui pourvoit en fruits et légumes une Europe rompue à l’agriculture intensive. L’artiste entend plutôt immerger le public dans l’ambiance de son nouvel opus, où des décors « naturels » côtoient les résidus issus de l’hyper production que génère notre mode de vie occidental.
Bien qu’il emprunte le ton de la fable, le dernier film d’Armand Morin n’affiche pas de vue moraliste. Il pourrait cependant se ranger du côté d’une science-fiction classique. Y est ainsi mis en scène l’exil des habitants d’une planète – la nôtre –, que la surexploitation de ses ressources a fini par rendre inhabitable, et que l’on abandonne comme une vieille guimbarde. Le thème est récurrent dans la science-fiction des années 1960 à nos jours. Il inspire autant les apologistes du progrès – certains de pouvoir se réfugier sur un nouvel Éden grâce aux ruptures décisives de la technologie –, qu’il fait peur aux jeunes générations – conscients que ces voyages extra-terrestres ne concerneront qu’une marge réduite de la population : la même qui, déjà, s’est employée à rendre la Terre stérile.
Pour autant, les films d’Armand Morin ne sont pas exempts de contradictions. Ils ont ce côté « la Terre vue du ciel », qui rend toute chose belle lorsqu’elle est capturée d’en haut. Même les pires buildings construits à une époque soi-disant révolue, où l’on pouvait encore se permettre d’ériger de tels grands projets de béton. Même les mines de charbon en plein air. Même les étendues à perte de vue de voile de plastique qui bordent le littoral de l’Andalousie. Tous revêtent ce caractère de séduction picturale et génèrent la contemplation. Mais c’est sans doute l’effet produit par l’usage du drone, qui introduit la distanciation nécessaire à la disparition des détails de la catastrophe, et ainsi à l’enjolivement des paysages apocalyptiques.
Visuels extraits du film Reliefs par Armand Morin présenté à Zoo galerie
Mais que l’on se plonge dans leurs Reliefs, au ras du sol, et les effets de cette productivité débridée ne sont plus aussi plaisants à voir. L’esthétique du Bruxellois est un pied-de-nez au Pop Art des années 1960, qui fétichise autant qu’il dénonce la société de consommation, ses matières lisses et son plastique aux couleurs flashy. Armand Morin est un anti Larry Bell, qui se situe plus du côté d’un David Hammons avec son emploi de matières déclassées, mais sans la préciosité poétique de l’Américain. Les bâches qui enserrent l’espace de la galerie et la mettent littéralement sous serre n’ont pas de véritable qualité plastique. Les empilements de boîtes de sandwiches à l’« espérance de vie » plus que réduite installés dans le centre d’art rayonnent d’une aura décalée, conférée par leur « patine de crasse » et les multiples mauvais traitements qu’ils ont l’air d’avoir subis. L’artiste semble vouloir redonner à ces objets, à rebours d’une attirance convenue pour un finish fetish, une nouvelle dignité.
Le parcours que dessine l’exposition se tisse à partir d’indices épars, qui témoignent de la présence de protagonistes ayant fui la « scène de crime ». Les micro-reliefs façonnés par l’artiste redoublent le récit de la vidéo ; ses micro-paysages abritent les « reliefs » d’une gigantesque orgie.
L’exposition est soutenue par le Centre Wallonie-Bruxelles/Paris ainsi que Wallonie-Bruxelles International
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Maria Kermagoret | Chargée de Médiation culturelle et Communication
maria.kermagoret@zoogalerie.fr